J'ai passé un DEA en télénovelas (pour de faux, hein!)! Oui, c'est une annonce un peu tapageuse, un manque total d'humilité. Mais j'ai passé un DEA en télénovelas et je l'ai eu. J'ai d'abord étudié Marimar, source de ma vocation, puis Muneca brava, Luna la Heredera, La Calle de las novias, Ruby et j'en passe.
Revenons sur quelques principes de base indispensables à la bonne compréhension du sujet. Le postulat de départ est que l'Amérique du Sud est peuplée de sud-américains, et surtout de sud-américains voire essentiellement de sud-américains -ça aide - (tout comme le monde est peuplé d'humains distribués de manière peu homogène entre pays riches ou pauvres et sans la moindre harmonie dans tout cela, sans la moindre équité... la vie est une grande farceuse un rien salope).
Le second postulat de base est que la tectonique des plaques est un élément important de la diffusion de la télénovela grâce à la dérive des télévisions continentales et donc des idées (ou de leur absence), des gouts, des tendances, des modes ... La tectonique des plaques est aussi une grosse farceuse.
Si l'on rentre comme éléments "PhD thesis+ telenovelas" dans le moteur de recherches Google, c'est plus de 900 résultats qui apparaissent.
Je fais un choix délibéré d'ignorer les soaps américains, plein de cris, de fureurs et de sexe, mais américains du nord et là, je n'ai pas envie d'en parler, je n'arrive pas à regarder un soap étasunien, c'est comme ça.
Ce que j'aime dans la telenovela sud-américaine, ce sont les cris, la fureur, le sexe (savamment suggéré par des décolletés plongeants et des frémissements frémissants), la religion, la position (parfois l'absence de position) sociale des femmes, des hommes, des hétérosexuels, des homosexuels, des pauvres, des riches et j'en passe, tout cela fonctionnant selon des codes établis, à des heures de grande écoute et dans toutes les couches de la société.
Ce que j'aime aussi, c'est la beauté ténébreuse des hommes souvent décérébrés et terriblement velus, la beauté tout aussi ténébreuse des femmes (tous aussi velues mais épilées, cliché oblige) qui s'épuisent à chasser le mâle en suivant des stratégies tortueuses et le plus souvent vouées à l'échec. Ce que j'aime, c'est la part de l'église dans tout ça, chacun se vouant à Dieu et au Diable sans le moindre complexe mais s'y vouant franchement, devant des millions de téléspectateurs pour rappeler à chacun que le ciment de la société est coulé dans les piliers de la religion (sinon quoi???)... Ce que j'aime par dessus tout, c'est que, plus que la religion, l'amour est érigé en dogme, en icône du monde libéré (faussement) des contraintes de l'argent. L'amour se réalise partout... l'amour se réalise certes dans la pauvreté, mais il ne se réalise jamais mieux que dans la richesse (parce que baiser dans des draps de soie avec un fondu enchaîné c'est plus délicat que sur un matelas crasseux avec le cris des enfants dans la pièce à côté - oui merci Zola...). Enfin, K2 des concepts véhiculés par la télénovela, le méchant riche corrompu, politicien le plus souvent, finit dans les flammes de l'enfer après avoir fugacement goûté de son vivant à la pauvreté et aux doutes, qui constituent les fermants diaboliques de la Douleur, oui, la Douleur avec un D majuscule. Dans une télénovela tout se fait en majuscules, même les murmures.
J'ai aussi testé les romans de Barbara Cartland. J'ai attendu mes 30 ans pour en lire 8 en 1 jour,ce qui n'est pas un exploit, persuadée que j'étais alors de m'engager dans une collection rigoureuse où foisonneraient les fiches de lectures, les référents, histoire de passer quelques moments citadins que je trouvais trop longs. Histoire surtout d'avoir un sujet de conversation avec mes coups de coeur du moment... parler mécanique, même quantique, parfois ça me gonfle. Le lendemain, après cette lecture, reposée, j'ai décidé d'ajourner mon projet, au moins pour cette vie. Je ne suis pas courageuse.
Je continue à regarder assidument les télénovelas, c'est addictif , ça ne demande aucune régularité, c'est beaucoup moins calorique que le chocolat et ça me donne le sourire (ça n'empêche pas de manger du chocolat hein!).
Ah oui, autre perversion jouissive : couper le son de le télénovela et inventer les dialogues.
Excellente soirée assurée, même en galante compagnie.
Note personnelle à conserver juste au-dessus du tas de notes à conserver : lors des bruitages éviter de roter ou de péter (s'en souvenir
absolument pour la prochaine fois).
* titre réducteur