vendredi 30 novembre 2012

Substance rare


Ce que j’aimerais bien, mais alors bien grand comme ça, c’est avoir l’impression durable de planer.
Genre de légèreté fonctionnelle qui me permettrait de rebondir sans cesse sur des sols un peu dilatés et plutôt de couleurs soyeuses. La couleur soyeuse est douce et vive, pleine d’irisations et procure une petite décharge électrique qui part du talon et remonte rapidement le long du cou où elle se dissipe en faisant se dresser les cheveux, mais c’est agréable. Une petite chatouille de plume.
Je vais partir en prospection, histoire de trouver ce trésor. Si j’en trouve, de la fameuse impression durable de planer, j’en mettrai de côté pour ceux qui en veulent. Mais ce doit être une substance rare, faudra pas être exigeant. 


Le rôle des oestrogènes dans le déploiement des conflits


Il n’y a rien que je déteste plus que les empêcheurs de tourner en rond, les emmerdeurs du dimanche et des autres jours de la semaine, les rabatteurs de caquet professionnels, ceux dont on sait que par essence ils trouveront toujours un truc à rajouter qui va tout jeter à la poubelle, d’un simple geste. Pas par connaissance ni réflexion, mais juste par affirmation de leur décision unique et personnelle sensée rassembler l’avis de chacun dans un consensus d'opérette et personnel.
Bien entendu, en laissant la place à de tels individus, on rabat son caquet, on ne persévère pas dans le but poursuivi, on accepte cette décision comme un couperet.
On est un con, comme tout un chacun le sait.
L’enjeu n’est pas important bien entendu, mais par simple politesse, on (le con) tient compte de l’avis de chacun, histoire d’arriver à un truc homogène.
Mais mon brave monsieur, l’homogénéité n’existe pas, la poursuite du consensuel est une utopie où végètent les idiots de tous acabits qui ont cherché un chemin médian pour ménager leurs compagnons d'infortune.
Bref, je déteste les donneurs d’ordre et encore plus les briseurs d’élans. Faut juste pas les écouter ces gringalets.



mercredi 21 novembre 2012

Histoire hivernale - Besançon mon Amour


baie des crabes - Ile des Pins - SJ
ça ressemble peu à l'hiver à Besançon...


A Besançon, l’hiver 1906 reste de triste mémoire dans la famille Auber. C’est l’année où la tante Juliette a quitté l’oncle Anselme.

Un peu plus tôt, à la fin de l’été, Juliette Auber avait fait un long voyage en calèche jusqu’à Paris. Elle avait toujours eu l’âme vagabonde et avec le temps, ça ne s’était pas arrangé.

Elle était donc partie vers Paris certaine de mettre un point final à sa solitude.

Agée de 35 ans, elle était célibataire et chaque jour diminuait ses chances de convoler en justes noces. Quand une de ses amies, mère d’une belle famille de 6 enfants l’avait invitée, elle avait vue là la chance de quitter pour quelques semaines Besançon et son ambiance pesante. Chaque jour, les membres de la famille invitaient un prétendant, un nouveau, un de la dernière chance. Elle en avait vu des prétendants, des barbus, des bedonnants, des dégarnis, des qui suaient, des qui sentaient un peu fort, des surs d’eux, des qui avaient le regard fuyant, fermement appuyé sur ses seins qu’elle avait beaux disait-on.

Elle avait supporté tout cela avec une certaine bonne humeur au début, elle regardait cette humanité mâle défiler devant elle, elle n’en revenait pas qu’il y ait tant de cœurs à disposition… Puis avec les jours, ce manège était devenu insupportable, elle était un enjeu et ça ne lui plaisait pas. Vagabonde, autonome et certaine que la vie ne se limitait pas à ces regards concupiscents, tout autant vers ses seins que vers les murs et la propriété. Elle était une femme mure, certes vierge, mais elle savait de quoi était faite la vie. Elle n’en voulait pas de ces prétendants.

Assise dans la calèche, elle respirait à pleins poumons. Elle avait toujours ses beaux cheveux noirs bouclés, cette peau si blanche, laiteuse, héritage de sa mère et ses yeux noirs de sorcière qui attiraient toujours l’œil incertain d’adolescents timides et d’hommes en quête d’une aventure. Elle ne s’y trompait pas. Avec le temps, elle voyait des petites ridules se dessiner sur son visage, aux coins des lèvres et sous les yeux.

Quand elle arriva à Paris, son amie Germaine l’attendait, heureuse de voir celle avec qui elle avait tellement ri.

Elles passèrent leurs journées à parler, rire, faire la cuisine, s’occuper des enfants. Mais les deux petites bonnes s’activaient et elles restaient trop oisives au goût de Juliette. Elle allèrent se promener. Le début de l’automne était réjouissant, légèrement frais avec de jolies couleurs, tout ce que l’on peut attendre de l’automne.

Germaine prévint ce matin là que ce soir il y aurait un dîner, il fallait se mettre sur son 31 !

Durant cette soirée, Juliette fut assise à côté du Docteur Cénas, célèbre médecin de la place de St Etienne, un spécialiste des problèmes de la digestion.

Bien que la cuisine fut fort appétissante et digeste elle n’en éprouva pas moins un léger malaise à son réveil.

Germaine fit appeler Cénas encore dans la capitale. Il arriva bien vite, le grande médecin stéphanois. Une belle tête carrée, une tête de boucher, avec des traits marqués, qu’on oublie pas facilement… et des mains, des mains longues, amples, douces, de belles mains d’homme. Il l’examina, la palpa, ne trouva rien à rien si ce n’est des yeux fièvreux. Elle prit du bicarbonate. Le bon docteur revint quelques fois et la réexamina. Ils échangèrent leurs adresses, il repartit sur St Etienne laissant une nouvelle malade du foie, Juliette. Elle rentra à Besançon le teint encore plus blanc, le regard triste. Elle commença à écrire des cartes à Cénas et il lui répondit.

Dans cette carte de novembre, elle usa d’un style télégraphique "Amélioration ; mais digestion toujours difficile et grande lassitude. Amitiés."… au crayon de bois, elle rajouta quelques mots qu’elle effaça ensuite mais que Cénas réussit à lire « Ma foi en vous est inébranlable, je vous attends ». Ces mots effacés, le temps  ne les a pas conservés. Mais à l’hiver, le 11 décembre, Cénas arriva à Besançon et demanda Juliette en mariage, l’oncle Anselme, son père, perdit donc sa fille cet hiver là. Quand à Juliette, elle se mit à raffoler d’une chose… des palpations de son mari !

Capilarité... erreur


Ohlalalalalala! Je ne me reconnais plus (je ne me suis jamais tellement reconnue, j'aimais bien m'ignorer!).
Pendant longtemps j'ai eu les cheveux noir. Pas seulement noir, avec des reflets bleutés aussi. Pendant longtemps, je suis passée au travers de tout ce qui se présentait sans m'arrêter aux regards que je me lançais. Faut dire, j'ai autre chose à faire.
Ensuite, plus tard, j'ai essayé le bleu, un bleu splendide qui a fini en jaune pisseux, puis le rouge, qui a fini aussi en jaune pisseux. Le cheveu chargé de mélanine n'aime pas la chimie.
Pour changer.

 W.T. Benda

Le bleu de la tignasse c'était comme une religion, le rouge fut élu par désarroi tellement je n'en voulais plus du noir.
Le temps a passé. Le blanc qui sent la fuite de la mélanine s'est mis de la partie, assez tôt d'ailleurs. Vers 32 ans. Je n'en ai pas voulu. Dictature de la couleur qui donne de la jeunesse. Erreur! Futilité, futilitas.
J'ai tenté quelques mèches, une fois, à Bangkok. Sans grande conviction.
Dis-moi, dis-moi que toutes ces couleurs me rendent plus féminines, ô miroir, beau miroir que je n'ai que rarement avec moi? Hé non ma fille, ça ne marche pas!
Un jour, il y a peu, j'ai testé le blanc/gris lumineux et là, les choses ont changé. Oui, c'est futile, oui, je n'ai jamais été convaincue par l'idée que la couleur du cheveu change la vie. J'aurais pourtant du rester plus ouverte à la nouveauté.
Parce que franchement, le blanc argenté lumineux ça a déjà changé le regard des autres et ma façon de me sentir... un peu blonde, un peu féminine, un peu différente.

mardi 20 novembre 2012

1+1 = 12


Les couples me font peur. Parce que je les trouve inhumains.
Parce que je ne me reconnais pas dans ces entités bifides qui fonctionnent en déséquilibre constant, l'un pesant plus que l'autre, l'un influenceur, l'autre influencé.
Les couples ont des querelles de couples, où le pire se dit sans conséquence directe. Le pire se dit en fines couches ou en gros plâtras. On imagine alors le temps qui passe et dépose un voile acide qui finit par gangréner le tout.
Oui, les couples me foutent une trouille terrible.

Gomez souriait en pensant que lui et Morticia avaient toujours su préserver une distance, celle de l'indépendance et de la liberté. Elle se chiffrait actuellement à 9 280 km.

Playmobil


Je joue aux playmobils et aussi aux légos. Tous les jours. Depuis longtemps. Mais depuis quelques semaines avec une certaine intensité. Sans beaucoup de virtuosité.
Je vois des paysages se reconstruire, d'autres s'émietter. Mais toujours avec maladresse.
T'as déjà vu un playmobil plier les genoux pour remonter une charge? Non, non, direct, pliure du dos, jusqu'à la hernie. Sauf que le playmobil, il ne fait pas de hernie. Et puis le playmobil, il a la trace du chapeau sur la tête, histoire d'avoir toujours la bonne taille de tour de crâne. Le crâne du playmobil a l'air vide. C'est un jugement de valeur, je te l'accorde. P'têtre que la nuit, le playmobil participe à des salons philosophiques. Mais le reste du temps, il construit des maisons, il fait le pirate, le cowboy, enfin des trucs de mecs avec des testicules. Sauf que les couilles du playmobil, c'est comme pour la hernie, c'est pas hyper-visible.
Je fais aussi des châteaux de cartes en Espagne, histoire de cumuler. J'ai comme l'impression que ça tangue sec.
Je vais commander au Père Noël un truc dans le genre playmobil ou légo, mais en solide, avec des écrous et tout le tralala, oui, je vais commander un mécano costaud, pour que ça donne l'impression de durer. Enfin, juste l'impression.


© Martin Stranka

Nue dans mon pyjama


Bathing Woman par Léon Spilliaert

Le matin, au réveil, j'essaie toujours de retrouver le fil de mes pensées. Ce n'est rien qu'un fil, pas un câble, par un cordon épais, un fil, léger et translucide, élastique, un peu cassant.
Je cherche aussi la lumière pour ajuster ma vision fatiguée par une nuit entrecoupée de pauses. De la pause littéraire, de la pause laborieuse sur ordinateur, mais de la pause sur des écrans trop lumineux et des pages mal éclairées.
Je cherche aussi un peu à chasser les mauvaises odeurs buccales même si ce n'est pas mon fort, la mauvaise odeur buccale. Je suis une princesse, la puanteur de la gueule ne me concerne pas.
Je cherche à redonner à mon visage un air enjoué et lumineux, mais la jeunesse s'étire et se tire grossièrement, à grandes enjambées. Alors l'eau froide tend les petites ridules que je n'ai pas encore, heureuse que je suis d'appartenir à une lignée de femmes qui ont du mal à visiblement vieillir, à vraiment rider.
Après ces instants teintés d'un égoïsme profond, livrés à ma seule petite personne, je remercie les forces de l'univers qui me donnent ces instants d'insouciance. J'ai toujours l'air ridicule dans ces moments là... parce que serrer un arbre dans ses bras en lui murmurant à l'écorce, vaut mieux faire ça en privé.

BRRRRRRRRRRRRRRRR...



Non, non non! N'insistez pas! Il ne sert à rien de me dire que "brrrrrrrr, trop sombre, ça fait peur"! Et puis quoi encore? Ce sont des arbres, mes amis (les arbres, pas vous!), avec des lucioles en plus. Et mon ami Amesina a eu tout le loisir de m'apprendre que quand il y  a des lucioles, rien de mauvais ne peut se produire, c'est un bon endroit pour installer un carbet! Ce qui est valable pour l'Amazonie doit bien l'être pour une partie au moins du reste du monde. D'ailleurs, je l'ai constaté ailleurs, vu de mes yeux vus, senti de mon sensationomètre, senti!
Alors, luttez contre les images d'Epinal qui vous gavent le cerveau, assez de sorcières au nez crochu et de serpent bouffi de stupre! Oui, la forêt est belle, elle rend bien ce qu'on lui donne et ceux qui n'y croient pas ont juste à s'ouvrir l'esprit au reste de l'univers. Pour les sorcières aussi, et pour tout un tas de choses, de gens et d'habitudes. Je suis un peu énervée. Oui, je vous le concède. 
Hop!

jeudi 15 novembre 2012

Coucher de Soleil


Le père Noël a des chaussures à bout rond, un gros nez. Il est ventripotent. Je ne sais pas si c’est pour lutter contre le froid. Il a peut-être accumulé des morceaux de laine à l’intérieur de son grand manteau. Ou alors des moutons vivants.
Dans tous les cas, le Père Noël me met un peu mal à l’aise. Pas comme les clowns qui me font carrément peur. Le clown reste une émanation de Chucky la poupée sanglante, ou inversement, allez comprendre. Je suis clownophobe. Et alors.
Mais revenons au Père Noël qui n’est pas la moitié d’un rigolo, ni le quart.
Et pourquoi. Parce que là, comme ça, j’ai un coup de spleen de derrière les fagots, alors que j’ai tout pour plaire… mon anniversaire samedi, mes amis qui m’appellent, viennent à la maison, ma famille qui prend soin de moi. En fait, j’ai pas l’habitude de tout ça, c’est peut-être le nerf de la guerre.
Je ne suis pas aimable, encore moins agréable. Je suis une vieille sorcière moche et vilaine, avec un arrière goût de rance et je ne comprends pas un instant comment on peut se laisser tromper par si peu d’artifice. Je ne cache pourtant rien. Des années à côtoyer des êtres mal à l’aise et un rien pervers ont accentué ma noirceur. L’incarnation de l’obscurité ou peu s’en faut.


Bon, c’est pas pour dire, mais aujourd’hui n’est pas une journée lumineuse (euphémisme). 

mardi 6 novembre 2012

Plombière avec un excédent de fruits confits

La plombière est la femelle du plombier tout comme le libre-arbitre est l'ex-compagne du juge d'instruction.


A moins que la plombière ne soit qu’une glace ce qui dans ce cas précis m’amène à me poser questions et questions, en répétition et sans discontinuer. Certes, il est vrai que la fièvre qui ne me quitte pas depuis quelques jours n’arrange rien à la confusion d’esprit qui est mienne. Mais, la rencontre inopinée d’un plombier, charmant garçon, qui n’a pas mis moins de trois heures pour m’expliquer le fonctionnement d’un chauffe-eau, me plonge dans les affres du doute. Certes, je m’étais bien posée des questions sur les pressions et contre-pressions mais je n’avais jamais abordé de plein fouet ce problème dans le cadre du fonctionnement des chauffe-eau. Du coup, loin de se limiter au chauffe-eau mes pensées m’ont entraînée dans les contrées les plus reculées de mes fantasmes : je me voyais femelle de plombier, plombière donc . Tout allait merveilleusement bien mais je ne réussissais pas à identifier la tenue qui allait mettre en valeur ma beauté tout particulière (et intérieure). Le plombier me parlait encore de chauffe-eau que je gambadais déjà avec lui et en pensées dans des champs de fleurettes multicolores. Il en finissait à peine avec la vanne de sécurité que déjà nous nous éloignions hanche contre hanche dans le soleil couchant. Et puis, la réalité est revenue rapidement quand avec insistance il m’a demandé si j’avais bien tout compris. J’ai opiné de la tête et je lui ai dit, en évitant soigneusement son regard, « ce n'est pas courant de parler plomberie à 3800 m d’altitude alors que nous avons l’eau courante-enfin presque- dans ce petit torrent derrière nous ». J’aime les plombiers voyageurs. Pendant ce temps là, Morticia vide les tubes de paracétamol pour faire baisser sa fièvre en attendant que Gomez arrive enfin avec un thermomètre.

Nuits - Shanghai


Parfois la nuit est accueillante. Non, non, je ne parle pas d'une nuit d'étreintes amoureuses, non je parle d'une bonne grosse nuit solitaire mais accueillante où je me glisse en silence ou en fanfare, mais avec bonheur, le bonheur du repos, le bonheur de la réflexion, le bonheur d'instants douillets, sombres, qui reposent les yeux et le corps.
Même chaude et ruisselante de sueur, la nuit reste un moment dont l'écoulement, lent, est constant. On note une légère accélération à partir de 4h du matin, quand les bruits s'altèrent, quand quelques oiseaux se mettent à chanter un petit quart d'heure, quand les grenouilles s'essoufflent. Le nuit devient plus dense avant de se dissoudre en lambeaux. C'est le moment où les idées changent de cap, prennent une tournure décente et raisonnée. Les idées de la nuit sont volages et agitées par nature, les idées de la nuit sont parfois saugrenues, elles laissent souvent la place à des lendemains qui chantent.
Mes idées de nuit me portent le reste du temps.
Mes nuits à Shanghaï  sont solitaires et enfantent des projets diurnes.

Pendant ce temps là, Gomez se souvient d'une promenade dans le Puxi district. Morticia lui tient encore la main, en pensée.

Norman Rockvell, 1949