mardi 31 juillet 2012

Episode 4 - la mort en slip de bains - Coup de soleil


Ecouter Lana del Rey chanter « Born to die » sur une plage bordée d’un océan d’encre bleu aux reflets violacés dans le soleil constamment couchant avait un petit côté comique.
Drolatique. J’étais plaquée contre la mort à danser une sorte de slow triste, ma tête posée sur sa clavicule gauche. Je sentais bien ses phalanges serrées contre le bas de mon dos.
Incongrue, la situation était incongrue. Ce qui m’étonnait sans doute le plus était la perfection de ma peau, pas le moins du monde décomposée. Eternité d’une éternelle quadra à la peau fraîche. Le fond de l’air était sec malgré la proximité des flots. Je n’étais d’ailleurs pas si sure qu’il s’agisse bien d’eau. Peut-être un sable tellement fin et lumineux qu’il jouait à l’eau compacte. La mort saisit mon menton et porta sa mâchoire contre mes lèvres. C’est pas pour dire, mais j’ai connu mieux. La mandibule inférieure cognant contre mon menton n’avait rien d’excitant.
C’est à ce moment là que j’ai décidé de m’enfuir le plus vite possible.
Que la mort en pince pour moi, je voulais bien l’entendre, qu’elle ait décidé de me tuer pour arriver à ses fins…passe encore (j’ai l’esprit large)… mais de là à supporter ses baisers osseux et ne sais-je quoi encore, c’était trop me demander.
Non mais !


lundi 23 juillet 2012

Episode 3 - la mort en slip de bains


Il faut se baser sur des trucs élémentaires. Genre : même mort il faut savoir occuper son temps. Ou encore : l’éternité n’empêche pas les minutes de filer. Oui j’aime bien celui-là. Un autre encore : Ne te retourne jamais quand tu es mort, tu pourrais te découvrir vivant. C’est pile poil ce que j’ai fait. Je me suis retournée. Je me sentais suivie. Du genre un regard sur la nuque, un regard appuyé. Je me suis retournée… et je me suis vue vivante, en train de marcher rapidement  dans ma direction. Sauf qu’il y avait comme un voile, un truc infiniment fin qui nous séparait pour de bon. J’avais bien mon propre regard posé sur ma nuque, sauf qu’il s’agissait sans doute d’un point indifférent que je regardais avec insistance. La moi vivante. Ca devenait compliqué !
Rewind
Nous étions donc sur cette plage un peu surfaite, moi et la mort en slip de bains.
Elle insistait pour que je lui passe de la crème solaire, écran 30. Je me demandais bien ce qu’elle pouvait craindre… Un snobisme affirmé. Voilà ce qui me semblait certain.
Ma première surprise dans cette drôle d’histoire a été l’humanité et la masculinité de la mort. L’humanité, car son comportement excessif lui donnait de l’humain même dans sa rigidité osseuse, et pas seulement à cause de son slip de bains.
La masculinité, car la mort était convaincue de son sex-appeal, et quand je parle de sexe, je ne sais pas trop de quoi je parle. De son sex-appeal d’homme, sans foi ni loi, avec le torse bombé, l’œillade vide mais ravageuse, le déhanché affirmé qui confirme le sportif sur le retour, ou une coxalgie développée. Bref, la mort était fière d’être irrésistible, au moins le pensait-elle, et convaincue de sa séduction mâle avec les poils qui vont avec. Sauf que non. Sauf que. Parce que je ne sais pas vous. Mais moi, au bout d’un moment et dans la solitude infinie de cette plage de la mort, je m’ennuyais sec. La mort devenait une point d’intérêt. M’en aurait pas fallu beaucoup pour que je craque. Enfin… je crois. Mais j’étais certaine de son implication dans ma disparition. Je ne savais qu’en penser et qu’en faire. Tuer la mort ? par vengeance ? par ennui ? par lassitude de l’éternité ? par souci de lui rendre la monnaie de sa pièce ? Le défi était vaste.
J’oscillais entre mes pulsions physiologiques de femme… morte, et mon irrésistible envie de comprendre ce méli-mélo où j’avais la sensation d’être la victime accessoire d’une erreur monumentale.
Bref, en clair, allais-je tomber dans le panneau d’une histoire de jambes en l’air ou le drame universel de la vengeance qui n’est pas très sure de son origine ?

Ouhlala, ce suspens ! 

mardi 10 juillet 2012

Le parfum des années passées - épisode 2


Si le vent ne me porte pas il aura le bon goût d’agiter le voile lourd de mes cheveux et de frôler ma peau trop longtemps isolée des caresses d’un homme.
Là où je suis, je ne sers à rien. Là où j’étais non plus. Je prenais un peu d’espace, je respirais doucement pour ne pas briser l’harmonie de l’air ambiant. Je me faisais discrète.
J’avais même du mal à poser mon regard sur le monde autour de moi, il aurait pu être trop pesant.
Je me souviens de ce qui a précédé ma mort. Les jours du compte à rebours. Je ne savais pas qu’on décomptait mon temps. Enfin je crois que j’avais oublié le décompte qui nous accompagne quotidiennement. L’habitude de respirer et l’avenir en guise d’éternité.
« … I remember april and I smile…I remember april and you… »
Je n’ai ressenti aucune appréhension. Pas d’angoisse. Rien d’inhabituel.
Jusqu’au moment où j’ai senti cette main sur mon épaule qui m’enfonçait sous l’eau. J’ai bien compris que ça merdait grave. Erreur de casting ?
D’un naturel discret je me connaissais quelques inimitiés, dont le développement est somme toute assez normal au cours d’une vie. Elles donnent même une sensation d’existence, vivre sans ennemi a quelque chose de terne et d’inhumain.
Mais de là à me faire couler à pic au fond d’une baignoire…
J’en reviens donc à cette poigne ferme et à cette main dont je sentais les aspérités articulaires. Ca n’a pris que quelques instants pour comprendre que la mort m’avait piégé dans la salle de bains sans que je comprenne pourquoi. Mourir des mains de la mort, c’est un peu fort de café. Je ne lui avais rien fait. Je n’avais pas cherché à la défier. Je menais mon petit bonhomme de chemin en sachant qu’à son terme ou bien avant il faudrait prendre une voie de traverse. Mais de là à y être obligée, il y a une marge.
Faut que je vous dise, je n’ai pas aimé mourir. Ce n’est pas le meilleur moment que j’ai vécu. Il ne faut pas se leurrer, personne n’est prêt à déguerpir avec son savon en mains sans même avoir nourri son chat.
Il m’a fallu quelques heures pour m’habituer à voir la mort en slip de bains m’observer en souriant (j’ai compris plus tard qu’elle me souriait) et en me lançant des œillades appuyées (j’ai aussi compris plus tard le coup des œillades appuyées). Car je dois vous le dire, une fois morte, je me suis retrouvée sur une plage de sable blanc, bordée d’une mer bleue, bleu-encre, un soleil un peu sombre et toute proche de moi, la mort en maillots de bains en train de se passer de l’huile solaire. Protection 30. Je m’en souviens très bien. Je me suis dit que j’avais intérêt à me réveiller vite fait si je ne voulais pas sombrer dans la folie. C’était juste le début. 


mercredi 4 juillet 2012

Soirée sans fin - épisode 1 (La mort en slip de bains)


L’air lourd.
C’est un peu le principe des limbes. L’air est lourd et moite, avec un bourdonnement continu. Ne me demandez-pas pourquoi. J’ai d’abord cru qu’il s’agissait des trilliards de moustiques écrasés depuis la nuit des temps. Il semblerait que non. C’est une information de seconde main.
J’avais tendance à essayer de me protéger au début. Quand je suis morte j’étais habillée léger. Du genre un voile de parfum sur ma nudité.
Faut dire qu’il vaut mieux mourir nu et parfumé qu’affublé d’une combinaison spatiale avec des auréoles de transpiration sous les bras. C’est un avis très personnel.
J’ai du mourir en début de soirée, dans ma baignoire. Ce n’est pas très clair.
La mort est venue me cueillir en slip de bains, ambiance aquatique oblige.
J’ai du m’endormir et me noyer. A moins que la mort n’ait décidé de me maintenir sous la surface de l’eau avec sa poigne forte et sa force sans appel.
Parce que plus j’y pense, plus je trouve que tout ça a des relents suspects. Je crois bien avoir été tuée par la mort, sans raison apparente. 

 Carole Lombard